Adaptation de la passe à poissons de Chancy-Pougny

Le barrage franco-suisse de Chancy-Pougny est le troisième ouvrage sur le cours du Rhône après sa sortie du lac Léman. Construit en 1920 pour fournir à l’origine de l'électricité aux usines métallurgiques françaises du Creusot, il alimente Genève en énergie renouvelable depuis 1958. Il s’agit d’une installation hydroélectrique « au fil de l’eau » qui crée une différence de niveaux du fleuve d’une dizaine de mètres entre l’amont et l’aval – un palier infranchissable pour les poissons. Voilà pourquoi, entre 2011 et 2012, une longue passe à poissons (on dit aussi échelle à poissons) a été construite sur la rive droite. Longue de 250 mètres et composée d’une succession de 65 petits bassins en escalier, cette passe permet aux poissons de remonter le Rhône en direction de Verbois, dont le barrage est également équipé d’une passe à poissons.

Inciter les poissons à entrer dans la passe

Concevoir et exploiter une passe à poissons est une véritable science, à la fois hydraulique et… psychologique ! En effet, il faut faire comprendre aux poissons qu’ils peuvent se servir de cette voie pour remonter le fleuve. Et tout est affaire de courant, de débit et de hauteur de chutes d’eau. Si, à l’entrée de la passe, il n’y a pas assez de courant et une trop faible chute à franchir, la plupart des poissons migrateurs (les truites, par exemple) pensent que ce n’est pas le bon endroit pour remonter, et vont essayer ailleurs – de même que nous, les humains, cherchons un escalier pour monter les étages. A l’inverse, une chute d’eau trop haute et trop de courant ne font pas l’affaire non plus…

 

À Chancy-Pougny, pour pénétrer dans la passe, les poissons doivent commencer pas franchir une vanne. C’est un épais volet qui coulisse depuis le fond, et qui se maintient à une hauteur qui assure une première chute d’eau d’une vingtaine de centimètres. C’est la première marche de l’escalier pour franchir le barrage, et psychologiquement la plus importante.

Le chabot nage comme une pierre

Pendant cinq ans, de 2013 à 2018, les poissons qui ont emprunté la passe de Chancy-Pougny ont été observés, ce qui a permis de montrer que la passe remplit globalement son rôle pour les espèces migratrices, telles les truites qui sont les reines du saut d’obstacle. En revanche, les petites espèces ou les individus de petite taille ont du mal à sauter les escaliers d’eau, et à nager contre le courant lorsqu’il est fort. C’est notamment le cas du chabot commun, un poisson à grosse tête qui ne dépasse pas les 15 cm et qui vit au fond du Rhône. Contrairement à la plupart des poissons qui nagent en pleine eau, le chabot n’a pas de vessie natatoire, autrement dit il coule dès qu’il s’arrête de nager. Et il ne faut pas lui demander de sauter.

Vers une passe tout-poisson

Ce projet soutenu par le Fonds Electricité Vitale Vert consiste à adapter la passe à poissons existante afin d'en faciliter l’accès et la remontée des escaliers d’eau pour davantage de poissons. Puisque certains sont trop faibles ou trop petits pour sauter la première chute et franchir la vanne, il faut les faire passer au travers ! Les ingénieurs et les biologistes qui ont étudié le problème proposent de créer une alignée d’une dizaine de trous ovales sur toute la hauteur de la vanne : peu importe la hauteur à laquelle elle sera réglée, la vanne offrira toujours une ouverture près du fond, afin de laisser les petits poissons la traverser. Les spécialistes ont défini la taille et la forme de ces ouvertures, en trouvant un compromis hydraulique entre les besoins du chabot et ceux de la truite.

 

En aval de la passe, le projet prévoit d’installer un enrochement qui formera une rampe d’accès jusqu’au pied de la vanne d’entrée. Cette rampe est destinée aux poissons qui se déplacent près du fond, afin de mieux les conduire vers la voie de remontée du Rhône. Et dans la succession des petits bassins qui s’élèvent vers l’amont, on insérera aussi des pierres de toute taille, qui faciliteront la progression. Enfin, on y installera des petits cylindres de béton qui créeront autant de zones protégées du courant, où les poissons pourront se reposer avant de reprendre leur ascension…

Où se situe le projet