Le stock de neige sur les sommets

Pour bien gérer la production électrique des barrages genevois, il est important de prévoir le débit du Rhône plusieurs semaines à l’avance. Ce projet vise à estimer le stock de neige existant sur les sommets et à prévoir la quantité d’eau qu’il peut libérer, en combinant images-satellite et statistiques météo.

Production d'électricité

À la sortie du Lac Léman, la force des eaux du Rhône permet de faire tourner les turbines hydroélectriques de trois barrages successifs au fil de l'eau (Le Seujet, Verbois et Chancy-Pougny) qui alimentent le canton de Genève en électricité renouvelable. Cette production représente environ 26% de la consommation électrique du canton, auxquels s'ajoutent environ 2% d’électricité locale provenant de la production solaire et de la biomasse. Les 72% restants doivent donc être approvisionnés par les marchés hors du canton. Or, les prix de l’électricité fluctuent beaucoup. Les kilowattheures commandés plusieurs mois à l'avance étant souvent beaucoup moins chers que ceux achetés à la dernière minute, il est très important de pouvoir prévoir les fluctuations du débit du Rhône jusqu'à plusieurs mois à l'avance pour anticiper les besoins et les acheter au meilleur prix possible.

Le lac Léman garde son niveau

On pourrait penser que le lac Léman est un formidable réservoir permettant un écoulement du Rhône à la demande. Mais ce n'est pas le cas, car le niveau du lac doit être maintenu quasiment à la même hauteur toute l’année, afin de faciliter la vie de la population et de la faune. Le débit du Rhône à la sortie du Léman dépend donc surtout des précipitations, c’est-à-dire de la pluie qui tombe sur les reliefs et sur le lac, et de la fonte de la neige qui s'est accumulée sur les sommets et qui met plusieurs mois à fondre. Ainsi, connaître le stock de neige dans les montagnes permet d'estimer en partie les fluctuations à venir du débit du Rhône.

Trois groupes de spécialistes

Ce projet cherche justement à améliorer les prévisions des débits des cours d’eau, dont celui du Rhône. Il rassemble trois groupes d’ingénieurs : des spécialistes de la simulation des débits de rivière en fonction des données météo (Hydrique Ingénieurs), des spécialistes de l'analyse des images-satellite (société WeGaw), ainsi que des chercheurs et chercheuses sur la neige et les avalanches (Institut SLF des Ecoles polytechniques fédérales).

La difficulté du problème consiste non seulement à déterminer la surface qu’occupe la neige sur un territoire très montagneux, mais encore à estimer la hauteur de la neige et sa qualité. En effet, un mètre de poudreuse représente environ trois fois moins d'eau qu'un mètre de neige de printemps. Le travail consiste donc à analyser conjointement des images-satellite prises à différents moments avec diverses techniques (lumière visible, ultra-violet, infrarouge, radar, etc.) pour en déduire le stock d’eau prisonnier de la neige. Une vérification sur le terrain est ensuite réalisée à l’aide de drones et de sondages, afin de confirmer si l’analyse des images-satellite correspond à la réalité.

Confronter calculs théoriques et relevés réels

Les ingénieurs de ce projet sont des experts en prévision des écoulements d'eau dans les bassins versants. Leurs modèles utilisent notamment les mesures des stations météorologiques sur le terrain, ainsi que l’historique des débits mesurés directement dans les cours d’eau. Pour savoir si les satellites peuvent améliorer leurs prévisions, les ingénieurs ont travaillé sur des images-satellite archivées lors des huit dernières années. Et pour minimiser les erreurs, ils ont estimé le volume de neige existant sur des portions d'environ un km carré, tout en cherchant à qualifier la qualité de la neige: un mètre cube de neige poudreuse produit trois à cinq fois moins d'eau qu'un mètre cube de neige tassée…

 

Une fois ce travail effectué, les prévisions des huit dernières années ont été simulées avec ou sans les informations des satellites. Puis, ces deux types de prévisions ont été confrontées avec la réalité, c’est-à-dire avec les mesures effectives de débits des cours d’eau.

Résultats du projet

En conclusion, les images-satellite brutes n'améliorent pas toujours les prévisions. Elles peuvent même les fausser, en raison d’imprécisions sur les épaisseurs de neige: dans certaines régions des Alpes, les épaisseurs de neige estimées par les satellites sont trois fois plus grandes que dans la réalité! Il faut dire que les satellites observent notre planète depuis une altitude de 700 kilomètres. Par contre, dans de nombreux bassins versants, les données satellites apportent une meilleure précision une fois ajustées grâce aux modèles de simulation.

 

Ainsi, ce projet a permis de définir dans quels bassins versants les images-satellite sont un complément d'information utile, et, à l’inverse, dans quels bassins elles ne le sont pas (encore). Il faut préciser qu'en Suisse beaucoup de données sont déjà prélevées au sol. En Valais, par exemple, il y a plus de 50 stations météo automatiques qui mesurent le temps qu’il fait et les précipitations.

 

Pour la suite, les ingénieurs doivent encore perfectionner l’automatisation des prévisions de fonte des neiges et d’écoulement des eaux dans les bassins versants
– en incluant les images-satellites uniquement lorsqu’elles sont utiles
– afin que les producteurs d'électricité puissent plus facilement prendre en compte l’évolution de cette précieuse ressource naturelle.

Où se situe le projet